La situation Missionnaire dans l’Evangile selon Saint Jean. Méditation sur le quatrième Evangile

Dans les lignes suivantes, Monsieur l’Abbé Athanase KOMERUSENGE, Président de la Commission Diocésaine pour la Doctrine de la foi et l’Apostolat Biblique, nous propose une méditation sur le quatrième Evangile, souvent qualifié « d’Evangile théologique et/ou spirituel ». Il en dégage entre autres la dimension missionnaire dudit Evangile dans l’Eglise, pour l’Eglise et par l’Eglise.

Introduction

« De même que tu m’as envoyé dans le monde, notifia Jésus au Père, la veille de sa passion, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde » (Jn 17, 18). Et d’ajouter, « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi » (Jn 17, 20).

A voir de près, ces propos tirés de la prière de Jésus communément appelée prière sacerdotale [1] laissent constater un lien entre Dieu Père, Jésus son Fils, les disciples ainsi que les autres qui croiraient en Jésus ultérieurement. La chaine est telle que Dieu Père envoie Jésus son Fils dans le monde, Celui-ci, à son tour, envoie les disciples dans le même monde. Ces derniers à leur tour annonceront sa parole et d’eux, certainement, il y aura ceux qui croiront. De là, le lien en question serait placé sous l’insigne de la mission. Si l’on considère la place même de ces deux versets dans le corps de cette prière dite sacerdotale, on se demanderait si elle ne s’appellerait « prière missionnaire ».

Avant d’en arriver là, qu’en est-il de l’Evangile selon saint Jean dans son ensemble ? C’est un texte hautement théologique. On s’accorde, depuis des siècles, à le qualifier de christologie d’en haut d’une part. Cependant, un texte qui contient, d’une autre part, les stipulations missionnaires qui se trouvent, non seulement parsemées ici et là dans le corps du texte, mais aussi et surtout ordonnées d’une façon significative. Certes, s’il est vrai que la trame de fond du texte est faite d’une théologie spirituelle [2], comme on dit, il n’en demeure pas moins que cette théologie constituerait les fondements missionnaires. Ce faisant, est-ce vraiment un évangile théologique, missionnaire ou les deux en même temps ? Voilà le fil rouge de notre méditation. Après la présente introduction, nous allons, en un premier temps, faire une brève présentation de l’Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean. Les aspects, tels que la problématique de l’auteur, livres de signes et de gloire ainsi que la christologie de l’envoyé, seront mis en exergue succinctement.

En un deuxième temps, nous dégagerons quelques aléas missionnaires du quatrième évangile. Là, nous reviendrons sur Jésus qui est présenté comme fondement même de l’élan missionnaire de par la consécration des disciples qui doivent suivre son exemple, ainsi que la « Parrèsia postpascale » qui est comme une preuve de l’accomplissement de sa promesse. Avant de retracer quelques propos à caractère conclusif, nous tâcherons, en dernier temps, de présenter les jalons missionnaires du quatrième évangile. Nous partirons de l’image de la femme qui pleure au matin de la résurrection et qui, en définitive, devient «Apostola Apostorolum » pour montrer que seules les disposions dudit évangile ont porté l’Eglise dans sa mission au cours des siècles jusqu’ à nos jours et que donc, pour prendre l’élan de sa mission, elle [Eglise] doit en tenir compte.

Notre meditation sera conduite aux auspices ertains titres, notamment : Jésus de Nazareth de Joseph Ratzinger Benoît XVI, Lecture de l’Evangile selon Jean  de Xavier Léon-Dufour, Que sait-on du Nouveau Testament ? de Raymond E. Brown et Introduction au Nouveau Testament ; Son histoire, son écriture, sa théologie, de Daniel Marguerat (dir).

I. Brève présentation du quatrième évangile

1.1. Problématique de l’auteur

Dans le corpus néotestamentaire, un des quatre récits évangéliques se démarque nettement d’autres sur bien des aspects. Ce récit s’ouvre avec un texte à caractère poétique (Jn 1). Dans ce récit, présenté comme celui qui vient d’en haut, Jésus utilise le langage d’ici-bas pour transmettre son message. Cela crée quelques incompréhensions qui occasionnent des doubles sens quelque fois dans le texte. On y trouve, de la part des opposants de Jésus, des combinaisons à double sens qui tournent facilement à l’ironie porteuse de sens que ne peuvent pas réaliser ceux qui les prononcent. C’est un texte qui porte des inclusions, des transitions et quelquefois des parenthèses [3]. Enfin, c’est un texte hautement spirituel ancré dans la liturgie juive, oui, mais hautement intellectuel quant à sa forme qui trahit un « contexte originel » grec qui, pourtant, est attribué à un simple pêcheur de Galilée, Jean frère de Jacques, fils de Zébédée. 

L’authenticité de l’auteur de ce récit évangélique n’a jamais cessé de faire couler l’ancre depuis l’essor de l’exégèse critique. Peu à peu, les débats se sont intensifiés au tour de ce que l’on appelle « la problématique johannique » ou tout simplement « la question de l’auteur ». Au fait, la tradition qui remonte à saint Irénée attribue le récit à saint Jean apôtre communément appelé le disciple bien-aimé du Seigneur [4]. Cela fonde l’autorité, non seulement du texte en tant que tel, mais aussi et surtout l’autorité de son contenu qui garantit plusieurs vérités révélées du christianisme. Autrement dit, remettre en cause l’authenticité de l’auteur du quatrième évangile, c’est remettre en cause, d’une façon ou d’une autre, plusieurs éléments de la foi chrétienne. Et pourtant, les tenants de l’exégèse critique ont plus qu’une raison. Comment, se demandent-ils, saint Jean aurait oublié de rapporter l’événement de la transfiguration (Mt 17, 1-9) alors qu’il en est témoin oculaire ? Vers la fin du récit, l’auteur précise : « C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est conforme à la vérité » (Jn 21, 24). Ainsi, insinua-t-il qu’il n’est pas témoin oculaire.

Pour le moment, on s’accorderait qu’il y eut d’abord un témoignage conforme à la vérité gardée et donnée par saint Jean, disciple bien-aimé du Seigneur. Ensuite, le témoignage a été mis à l’écrit par quelqu’un d’autre qui vivait dans une communauté garante de la tradition johannique. Enfin, la communauté [Nous] sait que ce qui a été mis à l’écrit est conforme à la vérité [5].Partant de là, le quatrième évangile  repose sur le souvenir du disciple qui est alors un « souvenir ensemble » dans le « nous» communautaire de l’Eglise. Ce souvenir est une compréhension guidée par l’Esprit-Saint. En se souvenant, le croyant entre dans une dimension profonde de ce qui est devenu et voit ce qui tout d’abord n’était pas visible de l’extérieur. Raison pour laquelle l’évangile selon saint Jean nous montre réellement la personne de Jésus et son message en tant que tel. « Il nous montre que Celui qui non seulement était, mais qui Est ; Celui qui peut toujours dire au présent : « Je suis » « Avant qu’Abraham ait existé, moi JE SUIS ». L’Evangile nous montre le vrai Jésus et nous pouvons l’utiliser en toute confiance comme source sur Jésus » [6].

1.2. Le livre des signes et le livre de gloire

Nous étant rassurés de l’authenticité de la source ainsi que du message de l’Evangile selon Saint Jean, nous pouvons passer à sa structure. Généralement, l’Evangile selon saint Jean est subdivisé en deux grandes parties introduites par un « prologue » et couronnées par un « épilogue ». La première partie est appelée « Livre des signes » tandis que la seconde est appelée « Livres de gloire ».  La crête de ces parties se trouve au douzième chapitre (Jn 12, 50),  ce qui fait que ces deux parties soient de longueur presque égale, car tout le texte compte vingt et un chapitres.

-Le prologue (Jn 1, 1-18) : Cette partie se présente comme préface à l’Evangile. A en croire Raymond E. Brown, le prologue est une hymne qui résume la conception johannique du Christ. Un être divin (le Verbe de Dieu [1, 1.14] qui est aussi la lumière [1, 5.9] et le Fils unique de Dieu [1, 14,18]), qui vient dans ce monde et se fait chair. Présenté sous forme poétique, le prologue décrit la descente du Verbe dans le monde et du retour final du Fils à la droite du Père (1, 18) en suivant le schéma vétérotestamentaire de la Sagesse personnifiée qui était au commencement avec Dieu à la création du monde. Le ministère de Jean Baptiste s’inscrit dans cette dynamique en tant que témoin de cet amour de Dieu. [7]

-Le livre des signes (Jn 1, 19-12, 50): Si le prologue introduit le récit en présentant Jésus comme Verbe de Dieu né avant les siècles et donc Dieu, la première partie est articulée sur les signes que Jésus lui-même opère pour susciter la foi en lui de la part de son auditoire. Ces signes [il y en a sept] sont généralement suivis de longs discours qui culminent souvent en polémique divisant ainsi l’auditoire en deux groupes, à savoir le groupe des disciples fidèles et le groupe des juifs de l’aristocratie de Jérusalem. D’après Daniel Marguerat, ce conflit gagne progressivement du terrain et « conduit à faire des chapitres 11 et 12 un espace où la mort désormais certaine du Christ devient le sujet central de la réflexion, et où le bilan en forme d’échec de l’activité de Jésus est tiré.» [8]  

-Le livre de gloire (Jn 13, 1-20, 31) : Il s’agit ici du dernier repas avec les disciples, le lavement des pieds, la trahison, les discours d’adieu, la prière sacerdotale, la passion, la mort et la résurrection. Dans cette partie,  en retournant vers le Père par sa passion, sa mort et sa résurrection, Jésus montre sa gloire à ceux qui l’acceptent. Après avoir été pleinement glorifié, il communique l’Esprit-Saint.  Ce livre illustre le thème du prologue. « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ». C’est- à -dire que «les siens » sont désormais « ceux qui croient en son nom », et non ceux qui étaient son peuple par naissance.» [9]

-Epilogue (Jn 21, 1-25) : Il s’agit ici de deux scènes, l’une de pêche et l’autre des paroles dites à Simon Pierre et au disciple bien-aimé. Elles  se sont déroulées en Galilée et font allusion au « succès missionnaire qui rassemblera les hommes dans l’unique communauté du Christ.» [10]

1.3. La visée théologique

Après avoir retracé la structure du quatrième évangile, revenons-en à sa visée théologique. Les spécialistes de cet évangile considèrent, d’une façon ou d’une autre, unanimement, que ce récit présente ce qu’ils appellent la « christologie d’en-haut ». Cela est lié au fait que « Le Christ johannique est fondamentalement présenté comme le Révélateur de Dieu dans le monde» [11]. Cette idée se trouve retranscrite d’une part dans le prologue, notamment dans la thèse de l’incarnation entendue comme «la venue de Dieu parmi les siens, de la consécration de Dieu pour les siens, c’est- à -dire tous les êtres humains (…). Dans la personne du Christ, Dieu se fait proximité aimante et présence au sein de la création et de l’humanité » [12]. Cette christologie de l’incarnation est, d’une autre part, explicitée par la christologie de l’Envoyé que l’on peut comprendre à plusieurs niveaux.

-La sémantique de l’Envoi : A en croire, Daniel Marguerat, dans le Proche-Orient ancien, « Un envoyé était un messager dûment légitimé qui représentait son souverain auprès d’une cour étrangère» [13]. Ici, ce qui est mis en jeux c’est la dialectique entre unité et différence. La potentialité de cette représentation saute aux yeux. En tant qu’envoyé du Père, le Christ ne veut être rien d’autre que la voix et la main de Dieu parmi les hommes. Il est véritable Dieu dans la mesure où il est son envoyé à la fois pleinement un avec Lui et pourtant différent de Lui.

-La signification de l’envoi : Dans le même ordre d’idée, l’envoi du Fils est à entendre comme l’amour de Dieu en acte (3,16) d’une façon décisive, au profit de l’homme. C’est un accomplissement de la promesse de l’Ancien Testament.  Cependant, le monde est appelé à accueillir cet amour, Christ lui-même. Sinon, il risque d’être jugé et le jugement est immédiat.  Ainsi, l’eschatologie johannique est historicisée ; le jugement n’est pas une sanction intervenant à la fin des temps. « C’est en effet face au Fils, dans la foi donnée ou refusée, que se réalise la séparation entre croyants et incroyants. On parle alors d’’Eschatologie présentéiste’» [14] C’est bien ici le point central de toutes les controverses de Jésus avec son auditoire dans le livre des signes. Le cas typique est celui du discours sur le pain de vie (Jn 6, 1-69). 

-Trois principales étapes de l’envoi : Il y a d’abord la préexistence et l’incarnation. A travers ces deux notions, Jésus révèle pleinement le Père. Ensuite, vient l’accomplissement de la mission à travers les signes qui renvoient à la réalité décisive  que Jésus révèle : un Dieu créateur et donateur de la vie en surabondance. A part des signes, le Christ Johannique accomplit sa fonction de révélateur par ses discours. Enfin, la dernière étape c’est le retour qui s’effectue sur la croix qui est interprétée comme le lieu de l’élévation et de la glorification [15].   

Nous voilà à la fin de cette présentation succincte et diagonale du quatrième évangile. Venons-en donc à la problématique posée au départ : le quatrième évangile est-il théologique ou missionnaire ? Qu’il soit théologique, on n’en doute guère, la position est tranchée si l’on s’en tient aux considérations de nombreux auteurs. Cependant, de ce qui précède, il n’en demeure pas moins qu’il soit missionnaire. Dans le corps du récit, disions-nous plus haut, les aléas missionnaires sont agencés d’une façon fort significative.

Jésus Lui-même est un Envoyé. Il révèle Dieu au Monde. Il donne les signes pour que le monde puisse croire en Lui et en son message, il choisit les disciples, les consacre et les envoie dans le monde comme Lui a été envoyé. Leur unité garantit la crédibilité de leur témoignage à l’instar de son unité avec le Père ; il promet de rester avec eux, moyennant la présence du paraclet pour continuer la mission qu’il détient du Père ; il prédit l’existence de ceux qui croiront grâce à leur parole. De là on peut affirmer sans ambages que le quatrième évangile est missionnaire. Ci-après, nous allons revenir sur quelques aléas missionnaires du quatrième évangile.        

II. Les aléas missionnaires du quatrième évangile

2.1. Jésus, fondement de l’élan missionnaire

 A voir de près, le quatrième évangile a plusieurs éléments qui montrent que l’élan missionnaire est fondé sur Jésus lui-même. Dans le livre des signes, on nous présente Jésus en voyage chez les grecs (Jn 7, 35). Il dialogue avec la femme de la Samarie (Jn 4, 1-42). Ses discours qui accompagnent les signes qu’il opère suscitent la foi (Jn 6, 69), ce qui est un fait typiquement missionnaire. Que quelques grecs aient voulu le voir (Jn 12, 21), cela a une connotation missionnaire tout comme le pseudo-motif de sa condamnation en trois langues, Hébreux, Latin et Grec (Jn 19, 20). Fin des fins, le rappel de la mission de saint Pierre (Jn 21, 15-19), après avoir envoyé les disciples comme lui aussi a été envoyé (Jn 20, 21), est fort significatif du point de vue missionnaire. 

L’auteur du quatrième évangile, introduisant le livre de gloire, trouve des mots très significatifs par rapport au contenu de cette partie de l’évangile. « Jésus sachant que son heure était venue, écrit-il, l’heure de passer de ce monde à son Père, lui, qui avait aimé les siens les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1). En fait, le mot d’ordre de toute l’activité de Jésus, entant qu’envoyé du Père, c’est l’amour [16]. Il ne s’agit pas de n’importe quel amour. C’est l’amour qui va jusqu’au bout, c’est l’amour qui porte la victoire sur le monde, c’est, enfin de compte, l’amour qui porte la paix au monde après l’avoir libéré des péchés. Cependant, cet amour exige un certain nombre de conditions notamment l’oblation, la consécration non seulement pour Jésus lui-même mais aussi pour les disciples qui poursuivrons cette mission ; raison pour laquelle il intercède pour eux.

En effet, après le discours d’adieux (Jn 14-16), Jésus fait une prière qui est souvent appelée « sacerdotale » ou « testamentaire » (Jn 17, 1-26). La double consécration (Jn 17, 16-21), complétée par celle qu’il avait prononcée dans le discours du bon pasteur au chapitre dix (Jn 10, 18),  coiffe l’acmé de cette prière. Jésus se consacre et prie le Père de consacrer les disciples à partir de sa propre consécration. Pour les disciples, la consécration dont il est question renvoie à une séparation totale pour appartenir dans une sphère qui n’est plus à la disposition du monde, mais pour le monde ou mieux encore pour les hommes. Cette opération n’est possible que grâce à l’auto-consécration, c’est-à-dire le don de soi-même en sacrifice, de Jésus pour les disciples et tous ceux qui croiront grâce à leur parole [17].

Autrement dit, pour accomplir sa mission d’envoyé, Jésus se donne en sacrifice et présuppose ou inaugure la mission des disciples en priant pour leur consécration. Ainsi, si pour être envoyé dans le monde Jésus a été consacré avant les siècles, de leur tour, les disciples ont été consacrés Jeudi saint pour poursuivre la mission de l’Envoyé. C’est ici, à notre humble avis, le fondement de tout ce que l’Eglise a pu, peut et pourra entreprendre comme mission; c’est le fil rouge de toute l’histoire des hommes et des femmes qui se sont consacrés corps et âme à l’activité missionnaire dans l’Eglise d’une façon ou d’une autre. Tel est un aléa missionnaire par excellence

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. Faisant autrement, on sèmerait la confusion ; le monde ne saurait en quoi croire et ne pas croire et donnera raison à Alfred Loisy, pour qui « Jésus annonçait et c’est l’Eglise qui est venue» [18]   

        2.2.  Consacrés pour la mission à l’instar du Maître

Que Jésus soit, par son auto-consécration, le fondement de l’élan missionnaire, cela est incontournable mais, il en est aussi le modèle quant à la condition de possibilité. Rappelons d’abord que son auto-consécration se trouve concrétisée dans le drame du vendredi saint sur la croix par ses mots tragiques et porteurs d’espérance : « Tout est accompli » (Jn19, 30). Ces mots forment une inclusion avec sa déclaration, « Et moi quand je serai élevé de terre,  j’attirerai à moi tous les hommes (12, 33). Bref, l’Envoyé n’accomplit sa mission que via la souffrance atroce de la croix. Or, pour que les disciples accomplissent leur mission de témoins, disions-nous tout à l’heure, il faut qu’ils soient consacrés. Ils doivent appartenir à la sphère qui n’est plus à la disposition proprement humaine.

Cela n’est pas tout à fait facile ni donné au préalable. Il faut lutter, et toute lutte implique un effort, et tout effort implique la souffrance. Dans notre contexte, c’est plus, étant donné qu’il s’agit de souffrir pour les autres, et cela jusqu’au moindre détail. L’Apôtre des gentils avait bien compris cette note lorsqu’il en appela à être attentif au maximum pour ne choquer personne, de peur que l’on expose le ministère de l’évangélisation à la critique (2 Co 6, 1-4). C’est livrer son corps en sacrifice saint capable de plaire à Dieu (Rm 12, 1-2). C’est ce que Joseph Ratzinger-Benoit XVI dénote avec plus d’exactitude par l’expression « Souffrance Vicaire » ou mieux encore « Souffrance Expiatoire » qui se trouve parfaitement explicitée dans la passion, la mort et la résurrection du Christ [19].

Ces considérations ne sont pas de simples déductions hâtives. C’est le centre de la vérité même de ce que Jésus a dit et a fait pendant sa passion. L’évangéliste le dit explicitement :

Lorsqu’il y eut achevé de leur laver les pieds, Jésus prit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez ’le Maître et le Seigneur’’, et vous dites bien car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maitre, (…)  c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. En vérité, en vérité, je vous le dis, un serviteur n’est plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie (Jn 13, 12-16).

Ce renversement des paradigmes occupe le noyau de sa mission et celle des disciples. Tout missionnaire qui l’ignorerait ne se différerait en rien d’un simple conquérant, et son activité serait de la propagande parmi tant d’autres.

Par voie de conséquence, la souffrance semble se hisser comme condition incontournable pour affronter la mission dans l’Eglise et il faut s’y préparer, si l’on veut être missionnaire. Jésus en est modèle par son chemin de la croix. Encore une fois, les mots du Cardinal Joseph Ratzinger l’exprimer nettement. En l’an 2000, il proposa le chemin de la croix, l’ascension vers Jérusalem à l’instar de Jésus, comme voie pour mener à bonne fin la mission de la nouvelle évangélisation que l’Eglise s’assigne à l’aube du troisième millénaire et stipula : « Jésus n’a pas racheté le monde par  de belles paroles, mais par sa souffrance et sa mort. Sa passion est une source intarissable pour le monde ; sa passion donne force à sa parole » [20]

2.3. Parrèsia [Παρρησία] [21] postpascal : Promesse accomplie ; mission lancée

Dans le quatrième évangile, jusqu’ici du moins, nous trouvons Jésus qui est envoyé et qui envoie les disciples. Ce fait d’être envoyé [des disciples] comme Jésus a été envoyé  traduit un certain parallélisme entre l’activité de Jésus et celle des disciples comme s’ils seraient au même pied d’égalité. D’ailleurs, « Qui croit en moi, dit Jésus, fera bien plus que moi…» (Jn 14, 12). Ils se trouvent donc établis en véritables continuateurs de la mission de Jésus de telle sorte qu’ils peuvent remettre et retenir les péchés (Jn 20, 23). Là, alors, il est question de savoir en quoi est-ce que cela est possible. L’une des péricopes  des Actes des Apôtres nous permet de nous situer.

Il est dit, en effet, que les membres du Sanhédrin « constataient l’assurance de Pierre et de Jean et, se rendant compte qu’il s’agissait d’hommes sans instruction et de gens quelconques, ils en étaient étonnés. Ils connaissaient en eux des compagnons de Jésus, ils regardaient l’homme qui se tenait près d’eux, guéri, et ils ne trouvaient pas de riposte » (Ac 4, 13-14). Ici, le mot « assurance », encore une fois, nous entraine dans un retournement total, dans un changement de paradigme. Il est rendu par le mot grec [Parrèsia] qui signifie  encore le courage, la force, la hardiesse des gens qui, quelques jours avant, s’étaient enfermés à cause de la crainte du sanhédrin (Jn 20, 19). Depuis le matin de la résurrection, la parrèsia devient le dénominateur commun pour tous les personnages, chacun à sa façon, du cercle des disciples du moins, du quatrième évangile.

Lundi du Sabbat, Marie de Magdala se rendit au tombeau alors qu’il faisait encore sombre (Jn 20, 1). En tant qu’une femme, elle aurait pu avoir peur, mais elle a eu la parrésia. Etant informé que le corps du Seigneur aurait été volé (Jn 20, 2), Simon Pierre qui, pas plutôt que trois jours avant, avait juré devant une simple servante, à cause de la peur,  qu’il ne connait pas Jésus (Jn 18, 17) aurait dû s’enfuir bien loin du pays ; pourtant il a couru très vite vers le tombeau parce qu’il avait la parrésia. En entrant dans le tombeau vide, l’autre disciple n’a pas pensé que le corps du Seigneur aurait été volé comme Marie de Magdala l’avait imaginé, bien au contraire, il a cru (Jn 20, 8) parce qu’il avait la parrésia. On peut allonger la liste, mais ce qu’il y a de plus sûr c’est qu’au matin de la résurrection tous les disciples avaient été transformés de l’intérieur.

Comment comprendre cette transformation ? Bien avant sa passion, Jésus avait promis aux disciples un Paraclet et leur avait signifié que s’il ne part,  le paraclet ne pouvait pas venir et que, pourtant, c’est bien lui qui allait les conduire à la vérité toute entière. D’autant plus que, leur disait-il, il y avait ce qu’ils ne pouvaient pas comprendre à ce moment là (Jn 14, 15-41). Il parait donc que la parrésia postpascale résulte de l’accomplissement de la promesse pré-pascale et que donc, le Paraclet est déjà donné, qu’il est à l’œuvre, qu’il rend possible la mission des disciples, ce qui fait que les membres du sanhédrin sont ahuris (Ac 4, 13-14). La formule est simple : Avec Jésus, à la consécration pré-pascale correspond la « mission ‘parrèsiatique’ postpascale » moyennant l’accomplissement de la promesse ; le don du Paraclet. C’est bien là, le coeur de la mission des disciples et celle de l’Eglise depuis les origines jusqu’ à la fin des temps.

III

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. Les jalons missionnaires dans le 4ème évangile

3.1. La mission féconde exige de nous

« La mission féconde exige nous » est une phrase qui, depuis mon premier contact avec l’histoire de l’Eglise, est restée gravée dans les méandres de ma mémoire. C’est une conclusion d’une petite histoire que l’enseignant nous a racontée en guise de l’introduction de la leçon. Qu’en est-il ? Dans le sillage du concile de Vatican II, un prélat venu d’un pays lointain et qui avait été saisi par le martyr de Pierre et Paul aurait voulu faire un pèlerinage à la voie d’Appia, l’endroit où saint Pierre, fuyant le massacre sous Néron, aurait rencontré le Seigneur [22]. Le pauvre prélat passionné qu’il était, pressa le pas et se fatigua avant qu’il n’arrivât à l’endroit.

Il s’assied sous l’ombre d’un arbre, il fut saisi de torpeur et il eut un songe. Dans ses songes, ce fut une plaque énorme en forme d’une médaille portée par un vieillard qu’il ne put voir suite à l’immensité de cette médaille merveilleuse. Le vieillard s’avança, le prélat prit peur et finalement il parvint à garder son sang froid. Il reçût la médaille et fut ordonné de s’en retourner avec elle dans la salle du concile. Arrivé à l’entrée, tout le monde fut sidéré. Un des secrétaires s’approcha et examina la médaille.

La première face, outre l’effigie des premiers martyrs de Rome [23], portait l’inscription suivante : « Massacrez-les tous ! Qu’il n’y ait plus de chrétiens à Rome ! ». Sur la seconde face,  autour de l’effigie des Pères du Concile de Vatican II, il y avait, l’inscription suivante : « Les chrétiens à Rome, grâce au sang des martyrs du christ ». La médaille disparut et le songe prit fin. En fait, pour un incroyant qui aurait assisté au terrible carnage prescrit calomnieusement contre les chrétiens, non seulement sous Néron, mais aussi par toutes les forces négatives et les conspirations malsaines contre l’évangile, au cours des siècles, on en aurait fini avec l’événement-Jésus ainsi que l’Eglise. Curieusement, vingt siècles plus tard, des quatre coins du monde, les chrétiens ne cessent de s’augmenter en quantité et en qualité. 

Cependant, une évidence se dessine ! Que les fidèles du Christ, l’oint de Dieu, soient nombreux dans le monde entier, que l’Eglise soit libre, militante et victorieuse, il ne faut jamais oublier que le fait d’être chrétien, ici et maintenant, est toujours cautionné par l’auto-donation totale à l’instar du Christ de ceux qui nous ont précédés et que donc, la chrétienté d’aujourd’hui devait garantir celle de demain pour qu’il n’y ait pas de césure de cette chaine missionnaire. Les anciens ont des mots précis pour nous signifier cette évidence : « Le sang des martyrs, disaient-ils, est la semence des chrétiens » [24], c’est ce que notre enseignant voulut nous signifier en disant :«La mission féconde exige de nous ».

Cette dimension relationnelle de la mission remonte au Christ Lui-même et se pose indiscutablement comme jalon missionnaire. L’Eglise s’approprie cet itinéraire afin de pouvoir poursuivre l’œuvre du Christ. Elle est fidèle au Christ qui a été envoyé pour une mission spécifique (révéler Dieu) et qui a consacré et envoyé les disciples pour perpétuer cette mission. Grâce au paraclet promis, leur mission s’en alla jusqu’aux limites du monde (Ps18, 5) ; n’en déplaisent les vicissitudes spatio-temporelles. Elle s’identifie à cette femme qui, après avoir été consolée par le Ressuscité,  clame aux disciples « J’au vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit» (Jn 20, 18)

3.2. Femme pourquoi pleures-tu ? (Jn 20, 15)  Des pleurs à la mission

Au chapitre huit du verset un à onze, le quatrième évangile nous présente une femme anonyme prise en flagrant délit d’adultère. A voir de près, la condition de cette femme ne se différerait en rien de celle de l’autre nommée Marie la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons (Lc 8,1-3). Le nombre de sept démons référerait à l’impureté extrême qui se traduit facilement par l’adultère pour une femme dans la tradition juive. La nuance de ces deux textes résiderait dans le fait que Luc situe le pardon accordé à cette femme dans un vaste contexte de miséricorde. Venons-en donc à postuler que Marie de Magdala, dans la tradition johannique, rencontre Jésus au moment plus critique de sa vie. Consciente de sa condition peccamineuse, elle voit le spectacle de sa lapidation et à sa grande surprise, elle se voit pardonnée par Jésus. Elle ne pouvait que se résoudre de suivre Jésus.

Le quatrième évangile nous la présente, encore une fois, avec une affliction totale aux pieds de la croix (Jn 19, 25). Dans un état totalement léthargique, elle ne pouvait que se contenter d’embaumer le corps de son bien-aimé. Mais alors les prescriptions mosaïques lui font obstacle encore une fois ; elle doit attendre le premier jour après le sabbat. Arrivée là, elle constate que la pierre a été enlevée du tombeau ; très vite, elle informe Simon Pierre. Celui-ci avec l’autre disciple allèrent très vite et arrivés là, ils constatèrent les faits, l’autre disciple vit et crut ; abasourdis, tous deux, s’en retournèrent chez eux. (Jn 20, 1-10). Marie la Magdaléenne, quant à elle, elle n’a qu’à pleurer. Et voilà, providentiellement, le Ressuscité qu’elle confond à un simple jardinier, lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » (Jn 20, 15). 

Une note mérite une attention particulière ! Le Ressuscité ne nomme pas d’emblée la femme par son nom, ce n’est qu’à la deuxième reprise qu’il dit : « Marie ! ». Pourtant, cela n’est pas un fait isolé. Lors des noces à Cana, il dit « Que me veux-tu, femme ? » au lieu de « Que me veux-tu Mère ? »  Sur la croix, il dit « Femme, voici ton fils » (Jn 19, 26-27) au lieu de « Mère, voici ton fils ». Au matin de la résurrection, il dit « Femme, pourquoi pleures-tu » (Jn 20, 15) au lieu de « Marie, pourquoi pleures-tu ?». Le quatrième évangile ne dit pas le nom de la femme samaritaine  (Jn 4, 1-42), encore moins celui de la femme surprise en flagrant délit d’adultère (Jn 8, 1-11). Il s’en suit donc que, dans la tradition johannique,  le concept « Femme » signifierait une autre réalité bien plus ample et riche de signification dont la portée s’étendrait à toute la communauté croyante, y compris celle du XXème siècle, jusqu’ à la fin des temps.

Il ne s’agit pas de n’importe quelle « Femme ». Il s’agit d’une « Femme »adultère qui, étant pardonnée, se met à la suite de son Sauveur, jusqu’aux pieds de la croix. Si l’on s’en tient aux considérations de Xavier-Léon Dufour, « dans la tradition prophétique, l’adultère est la métaphore par excellence de l’infidélité du peuple élu au Dieu unique, le Dieu de l’Alliance. Dans cette optique, la femme du récit (Jn 8, 1-11) devient une figure d’Israël, au quel Jésus est venu révéler le pardon eschatologique de Dieu» [25]. Au matin de la résurrection, cette Femme est livrée à son non-savoir au sujet du corps de Jésus et « Elle pleure : ses sanglots s’entendent à  travers la répétition du verbe « Klaiŏ » [26] [Kλαιώ] [27]. Dans sa miséricorde, le Ressuscité la console en l’appelant par son nom, cette fois-ci, et lui confie la mission d’aller proclamer la bonne nouvelle de la résurrection aux disciples. Elle devient « Apostola apostolorum ». Elle est l’image de l’Eglise qui, depuis le premier jour de la semaine, clame toujours et partout « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit» (Jn 20, 18), malgré les tribulations au cours de l’histoire [28].   

3.3. Pour une nouvelle perspective

A  l’heure où l’on s’accorde qu’au début du troisième millénaire nous vivons dans un monde en fuite perpétuelle [29], il sied que l’on revienne sur la façon de comprendre et de faire la mission dans l’Eglise. Comme au matin de la résurrection, actuellement l’humanité semble être déboussolée et, faute de ne pas avoir les assises solides pour évangéliser un monde comme le nôtre, bien des missionnaires se posent beaucoup de questions sur les méthodes à adopter afin de pouvoir mener à bonne fin la mission de dire au monde que le Seigneur est vivant et vivifiant par sa parole qui leur a été confiée. Pourtant, le pari ne date pas d’hier. Interrogée, l’histoire nous livre un témoignage émouvant.

De Néron à Dioclétien, douze empereurs se sont succédés et tous usèrent de toute leur force pour anéantir la mission évangélisatrice de l’Eglise naissante, mais en vain [30]. Bien au contraire, la même parrèsia anima les femmes saintes et les hommes saints du Moyen âge, notamment les fondateurs des ordres mendiants, et leur élan a servi de repère pour les missionnaires des époques de la Réforme, Moderne et contemporaine. Leur labeur fut auréolé par les martyrs du XXème siècle notamment, Saint Maximilien Kolbe, Sainte Edith Stein et les martyrs de l’Ouganda.

Dans l’ensemble, l’histoire de la mission dans l’Eglise est comme un grand livre dont les lettres sont écrites moyennant le sang du Christ. Au cours des âges, pour que les lettres ne s’effacent pas, elles sont accentuées par le sang des missionnaires martyrs d’une part. D’une autre part, pour que les lettres soient lisibles, la blancheur de la trame de fond est accentuée par la sainteté de vie des missionnaires. Le Concile de Vatican II y fait allusion en affirmant que la sainteté de l’Eglise et de ses membres est un moyen pour faire face à l’athéisme [31]. Ces deux axes fondent la crédibilité de tout ce que l’Eglise peut entreprendre  comme mission d’évangélisation.    

Cependant, une question demeure ! Jusqu’ à quel niveau les missionnaires de notre temps comprennent-ils la mission de cette manière ? Les visions diffèrent les unes des autres selon les individus. Arrêtons-nous sur deux d’entre elles : Il y a d’abord une vision triomphaliste où le missionnaire s’érige en un conquérant marchant dans les hauteurs rivalisant et/ou pactisant avec les puissants du monde. Il ne s’arrête que quelque fois pour esquiver la croix et coupant l’oreille d’une certain Malchus (Jn 18, 10). Une telle vision de la mission, n’étant qu’humaine, est absolument éprouvée par la précarité naturelle de la condition humaine, telles que les somnolences au lieu de veiller avec Jésus (Lc 22, 45) et elle finit par le triple reniement (Lc 22, 54-62), nous prévient le Pape Pie XI [32]

La seconde vision est celle d’une mission qui, sans méconnaitre la gloire de la résurrection, intègre « le scandale de la croix », d’autant plus que la résurrection suppose la mort. Cette vision suppose toujours la première mais l’inverse n’est pas toujours évident. En effet, la vision triomphaliste, si béatifique parait-elle, trouve son fondement dans « le scandale de la croix » qui la purifie de toutes sortes d’égoïsme et de présomption orgueilleuse tout en la portant à son achèvement eschatologique selon la notion du « pas-encore-déjà » (1 Jn 3, 1-2). Autrement dit, la réussite missionnaire obtenue sans la croix est comparable aux simples jeux diplomatiques modernes qui, jadis, étaient connus sous la bannière des conquêtes proselytistes  aboutissant aux tornades qui se traduisaient très  vite en vanité.  

Or, osons le dire, il arrive que certains missionnaires aient une vision triomphaliste de la mission, suite à leur histoire, information et formation lacunaires, l’égocentrisme humain ou tout simplement l’imaginaire collectif de leurs sociétés respectives. Ils supposeraient une mission qui n’exige rien comme humilité, amour et attention envers son prochain, ascèse,  mortification et autres formes d’effacement de soi-même en vue de reconnaître que, par sa consécration, et oublieraient que le Christ nous précède et nous accompagne dans le labeur missionnaire. De tels missionnaires ne peuvent être embauchés dans la moisson du Seigneur  à l’aube du troisième millénaire. La mission n’est d’aucune façon  une entreprise propre à nous. Le Seigneur nous demande de prier le maître de la moisson d’envoyer les ouvriers dans la moisson abondante qui est déjà là (Mt 9, 35-39).

Conclusion

Tout compte fait, au cours de  notre parcours, voulant mettre en exergue la dimension missionnaire du quatrieme évangile, nous avons mené notre démarche  aa partir du constant reel ; celui de l’urgence de l’evangelisation dans le monde d’aujourd’hui. Un monde en pleine fuite en avant où la mondialisation crée un village global mais aussi un pillage mondial ; un monde qui se forge incessamment de nouveaux types de risque qui génèrent des angoisses.  

Dans un tel monde, souligne Fr Timothy Rudcliffe, o.p., ce qu’offrent les chrétiens, ce n’est pas la connaissance, c’est plutôt la sagesse de la dernière destination de l’humanité [33]. Dans un tel contexte, la présence du missionnaire qui traduit l’épiphanie du Royaume de Dieu, accompagnée par la proclamation de la parole, est l’idéal pour la mission. L’inverse est difficilement bénéfique. La présentation du quatrième évangile nous a placé à face de Jésus l’envoyé du Père et qui envoie ses disciples après avoir prié pour leur consécration, laquelle consécration rendue possible par l’auto-consécration de Jésus en sacrifice. Ainsi, tout porte à croire que, dans le quatrième évangile, la donne missionnaire se place sous l’insigne de la christologie de l’envoyé. Le décloisonnement de cette donne se déploie d’une façon graduelle, du prologue (Jn 1, 1-18) à l’épilogue (Jn 21, 1-25) passant par le livre des signes (Jn 1, 19-12, 50) et le livre de gloire (Jn 13, 1-20, 31).

Cela nous a mis sur les rails dans l’investigation que nous avons menée dans le récit du quatrième évangile. Au bout de notre investigation, quelques aléas missionnaires se sont hissés comme en un clin d’œil. Par le fait même d’avoir été envoyé dans le monde, Jésus est présenté comme missionnaire. Cela se concrétise par ses itinérances dans plusieurs localités dont la Samarie. Les discours qu’il accorde aux signes qu’il opère, suscitent la foi et cela est le propre des missionnaires. En cela, il donne un élan à toute activité missionnaire à commencer par celle de ses disciples qu’il envoie comme lui. Il rend possible cette mission en les consacrant, et féconde en leur envoyant le paraclet qui leur donne la « parrèsia ». Il les rassure qu’il y aura une multitude qui croira grâce à leur parole et qu’elle aussi [la multitude] sera heureuse au même titre que les disciples. Jusque-là, la mission est lancée.      

En dernière analyse, la mission étant lancée, il fallait en déterminer son cadre d’accomplissement en en fixant les jalons ; en voici quelques-uns : d’abord, Le disciple n’est pas au-dessus du Maître ! Les disciples sont obligés de suivre ses traces jusqu’au bout. Comme il a été rejeté par le monde qu’il a pourtant aimé jusqu’ à verser son sang, il doit en être ainsi pour les disciples. L’ayant accueilli, les disciples deviennent héritiers du Royaume et il sera ainsi pour ceux qui accueilleront leur parole et c’est cela même le jugement ; d’où l’eschatologie présentéiste. Ensuite, la figure d’une femme « Apostola Apotolorum »préfigure l’Eglise qui doit conduire toute activité missionnaire. Cette femme qui, jadis, préfigurée par le prophète Osée (Os 2, 4-15) , doit clamer toujours et partout «J’ai vu le Seigneur et voilà ce qu’il m’a dit » (Jn 20, 18).  En définitive, il incombe à tout prétendant missionnaire de revoir sa vision de l’Eglise. Si l’humain fait pencher vers la vision triomphaliste, il faut savoir se dépasser et s’inscrire dans la dynamique consécratoire que propose le quatrième évangile.


[1] Joseph Ratzinger Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Deuxième Partie, De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Rocher, Paris, 2011, p. 97.

[2] Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Evangile selon Jean, Tome 1,  Editions du Seuil, Paris, 1987, p.12.

[3]Raymond E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard, Paris, 2000, pp.376-380.

[4] Raymond E. Brown, Idem, p.404.

[5] Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Evangile selon Jean, Tome 1,  Editions du Seuil, Paris, 1987, p.12.

[6] Joseph Ratzinger Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Première partie, Du Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration, Flammarion, Paris, 2007, p.261.

[7] Raymond E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard, Paris, 2000,  p.381.

[8] Daniel Marguerat (dir), Introduction au Nouveau Testament ; Son histoire, son écriture, sa théologie, Cerf, Paris, 2008, p.369.

[9] Raymond E. Brown, Op.Cit., p. 394.

[10] Raymond  E. Brown,  Idem, p.403.

[11]Daniel Marguerat (dir), Op.Cit. p.3 88.

[12] Daniel Marguerat, Ibidem.

[13] Daniel Marguerat, Idem,  p. 389

[14]Daniel Marguerat, Ibidem.

[15] Daniel Marguerat,  Idem, p.390.

[16] Nous ne somme pas sans connaitre que, voulant  différencier les citoyens du Royaume de Dieu des citoyens du monde, Saint Augustin, dans De Civitate Dei, affirmera ultérieurement que les citoyens du Royaume de Dieu sont caractérisés par l’amour de Dieu [à travers son prochain] jusqu’à l’oublie de soi-même tandis que ceux du monde sont caractérisés par l’amour de soi-même jusqu’à oublie de Dieu [à travers son prochain]. (Cf. La Cité de Dieu, https://fr.mWikipedia.org/ consulté, le 11 Avril 2020).  Subséquemment, lorsque l’évangéliste nous dit que Jésus a aimé les siens jusqu’au bout, c’est l’avènement du Royaume de Dieu qui est mis à la locomotive. Et cela est l’entéléchie même de toute activité missionnaire honorable. 

[17] Joseph Ratzinger Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Deuxième Partie, De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Rocher, Paris, 2011, p. 118-119.

[18] Alfred Loisy, Cité par Joseph Ratzinger Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Première partie, Du Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration, Flammarion, Paris, 2007, p.69.

[19]Joseph Ratzinger Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Deuxième Partie, De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Rocher, Paris, 2011, p.119.

[20]  Cf.  Joseph Cardinal Ratzinger, Conférence sur le thème de la nouvelle évangélisation, Rome, le Dimanche 10 Décembre 2000.

[21] Ici nous préférons d’utiliser ce concept tel qu’il est transcrit du grec pour ne pas l’appauvrir. Παρρησία signifie, tantôt l’assurance, le courage, l’hardiesse, ou tout simplement les trois en même temps. Dans ce dernier cas, il traduit l’attitude que les juifs attribuèrent à Jésus au chapitre 7, 26. [Κα δε παρρησίᾳ λαλε, κα οδν ατ λέγουσιν.]. La même attitude réapparait curieusement dans les Actes des apôtres (4, 13) où elle est attribuée,  cette fois-ci, aux disciples [Θερούντες δε την του Πέτρου παρρησίανκαί Ιωαννου…]. (Cf. https://fr.globe.com/fr/el Consulté, le 10 Avril 2020)  

[22] Cf Theo, L’Encyclopédie catholique pour tous, p. 26.

[23]Michel LEMONNIER O.P., Histoire de l’Eglise, Médiaspaul, Paris, 1983, p.67.

[24] Cf. https://www.lesalonbeige.fr/ consulté le 10 Avril 2020.

[25]Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Evangile selon Jean, Tome 2,  Editions du Seuil, Paris, 1990, p.321.

[26] Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Evangile selon Jean, Tome 4,  Editions du Seuil, Paris, 1996, p.217.

[27] Ce verbe est utilisé dans le texte original. Il signifie « pleurer sur, déplorer ou appeler en criant à cause de nombreuses épreuves subies. (Cf. Dictionnaire Grec-Français, librairie Hachette, Paris, 1950, p.1069.

[28]Concile de Vatican II, Lumen Gentium, Fides, Québec, 1963, no1.

[29] Cf. Fr Timothy Rudcliffe op, Mission dans un monde en pleine fuite en avant, Réfléchir sur une spiritualité de la mission à l’ère de la mondialisation, in Documentation Catholique, no2245, Avril 2001, pp.14-17.

[30] Michel LEMONNIER O.P., Histoire de l’Eglise, Médiaspaul, Paris, 1983, p.49-120.

[31] Concile de Vatican II, Gaudium Spes, Fides, Québec, 1963, no21

[32] Pie XI, Lettre Encyclique Divinis Redemptoris, 19 Maris, 1937 no58.

[33] Cf. Fr Timothy Rudcliffe op, Mission dans un monde en pleine fuite en avant, Réfléchir sur une spiritualité de la mission à l’ère de la mondialisation, in Documentation Catholique, no2245, Avril 2001, p. 16.